Le terme « Deuil » peut être utilisé dans le cadre d’une entreprise chaque fois qu’il est question d’un changement brutal, imprévu ou fondamental.
Chacun se trouve confronté, dans une attitude profondément humaine, à ce qui est perdu, à ce qui disparaît définitivement.
Ce changement subi amène souvent avec lui des sentiments divers tels que : envie de vengeance, baisse de productivité, repli sur soi, dépression, méfiance, voire sabotage…
Il est donc important de ne pas ignorer ces mécanismes dans lesquels les personnes, avant d’accepter véritablement un changement ou de s’attacher à un nouveau projet, une nouvelle mission, ont d’abord besoin de faire le deuil de ce qu’elles quittent.

Les « deuils » dans l’entreprise peuvent se rapporter à cinq principaux types de situations :

1. Le départ d’un dirigeant
Il peut être dans certains cas prévu et programmé. Dans d’autres cas, pour des raisons internes à l’entreprise ou à l’occasion d’un accident de santé, il peut être imprévu et brutal. Le travail de deuil concerne toute l’équipe qui a perdu son chef.

2. La disparition de l’identité de l’Entreprise
Elle a lieu lors d’un rachat, d’une fusion, d’une absorption de l’entreprise.

3. Des événements concernant la conduite de projets
Proposition de projet important refusé par la hiérarchie, arrêt soudain de projet, fin d’un projet long et absorbant… Certaines entreprises oublient trop facilement qu’on ne s’engage bien dans un projet que dans la mesure où les projets antérieurs ont été clos en termes de deuil.

4. L’abandon d’un produit fortement relié à l’identité de l’Entreprise
L’entreprise perd alors brutalement une bonne partie de sa culture, ce qui peut être très mal vécu par ses membres.

5. Les effets d’une réorganisation
Notamment changement de poste, de site (même dans des meilleures conditions), changement d’équipe, déménagement, changement de bureau, d’organigramme…

LES PHASES D’UN DEUIL

On peut reconnaître, avec des stades successifs d’intensités différentes selon les situations, deux grandes phases dans le processus de deuil :

1. La Descente

•La sensation de la perte
Si le moment et l’objet de la perte ne sont pas clairement ressentis, le travail de deuil ne peut s’engager. Cette sensation s’accompagne forcément de sentiments très pénibles.

•Le démenti
Du genre « c’est pas possible, pas à moi, pas ça, pas lui, pas maintenant… ». Cette étape est d’autant plus fortement ressentie que l’attachement à la situation antérieure est rompu de façon soudaine et inattendue.

•La rébellion
Du genre « ce n’est pas juste, ils n’avaient pas le droit … ». On instruit un procès que l’on peut garder pour soi en ruminant sa rancœur, ou le rendre public en déclenchant des hostilités contre les prétendus responsables. On peut même faire son propre procès en se torturant de reproches.

•L’anxiété
Du genre « mais qu’est ce que je vais devenir, je ne pourrais jamais m’en sortir tout seul, dans ces nouvelles conditions … ». C’est le sentiment d’abandon, d’incapacité à faire face à la nouvelle situation, qui fait apparaître le reste du monde comme une source incessante de dangers.

•Le chagrin
Du genre « je ne m’en remettrai jamais, c’est trop dur, à quoi bon … ». C’est l’enfermement dans la douleur et le refus de voir que la vie peut apporter encore des bons moments. Cette étape est décisive et difficile car la personne, après des étapes lui ayant permis d’affronter de façon détournée la réalité, prend ici pleinement conscience que cette réalité est bien réelle.

2. La Remontée

•L’acceptation
Du genre « c’est dur mais c’est ainsi et je vais essayer de vivre cependant le mieux possible dans cette nouvelle situation … ». Ce n’est pas la négation des évènements douloureux mais la décision de faire face et de continuer sa route dans la situation telle qu’elle est. C’est la personne qui vit le deuil qui passe au premier plan et non plus l’objet du deuil. C’est d’elle-même dont elle s’occupe maintenant de façon prioritaire.

•L’indulgence
Du genre « je renonce à en vouloir à tous ceux que j’ai considérés comme responsables de cette souffrance… ». En premier l’indulgence à soi-même de n’avoir pas pu empêcher ce qui nous est arrivé. Ensuite l’indulgence aux autres de la perte : la personne cesse de les considérer comme des êtres cruels.

•Le présent caché
Du genre « grâce à ce que j’ai subi, j’ai pu … ». Les personnes en deuil reconnaissent alors que tout ce qui leur est arrivé leur a permis de faire des choses non envisageables dans l’ancienne situation, telles que développer un talent caché, accéder à d’autres responsabilités plus intéressantes, avoir appris quelque chose …

•Le bien-être retrouvé
La personne a alors fait la paix avec ce moment de vie qui lui a été douloureux et peut l’évoquer sans excès d’émotion. Ce qu’elle vit aujourd’hui a plus de retentissement pour elle que son passé. Si un nouveau projet se dessine pour elle, la personne est capable d’y adhérer.
Un deuil est l’ensemble du processus qui va de la sensation de la perte (phase 1 / premier stade) au bien-être retrouvé (phase 2 / dernier stade). On pourrait croire qu’il est terminé lorsque ce qui a été perdu est remplacé. Mais ce remplacement, même s’il s’est réellement mis en place, reste provisoire et fragile pour la personne « en deuil » tant qu’elle ne l’a pas effectivement adopté.

COMMENT AMORTIR LES CONSEQUENCES D’UN DEUIL ?

Le travail de deuil peut être radicalement différent pour une personne ou une autre, pour un groupe ou un autre.
Il est donc impossible de prétendre enfermer ce processus dans une seule et même façon de s’en occuper.
Par contre, il est intéressant de connaître certains éléments qui peuvent faciliter ou au contraire freiner le bon déroulement de ce processus de deuil :

•La brutalité de la séparation
Une séparation anticipée et préparée facilite les choses pour ceux qui restent.
Deux types d’évènements brutaux rendent cette anticipation évidemment impossible :
– un problème de santé qui vient brutalement interrompre la carrière professionnelle d’un dirigeant ou d’un manager
– l’annonce inattendue d’une fusion ou d’un rachat qui précède donc une perte d’identité soudaine.

•L’intensité de l’attachement
Il va sans dire que plus l’attachement pour ce qui a été perdu est grand, plus le deuil sera difficile. Ainsi un leader trop charismatique qui a suscité un attachement très fort à sa personne peut faire souvent beaucoup de mal à l’entreprise après son départ difficile et rendre difficile le changement de l’entreprise nécessaire pour s’adapter à un nouveau leader.

•Le partage du deuil
La mise en commun du deuil facilite grandement la traversée.

•Un objet de substitution
L’absence ou la présence de ce qui est susceptible de remplacer ce qui a été perdu influence la suite. Dans le cas du départ d’une personne, il est ainsi utile de nommer d’emblée un remplaçant « définitif ».

•Les non-dits et les secrets
Tout ce qui reste caché à propos d’un deuil en prolonge la durée, et d’autant plus que l’on garde volontairement le secret. Toutes les informations non partagées, les causes non exprimées, les rumeurs sur des faits invérifiables vont dans ce sens.

•Le « fatalisme »
La fatalité rend les hommes dépendants de forces ou de  » volontés  » qui leur échappent complètement. Quand donc une personne invoque la fatalité pour  » expliquer  » une disparition ou une perte, elle se prive de possibilité d’action sur le deuil qui en résulte. Il n’y a que la responsabilisation qui puisse s’apposer au fatalisme, c’est-à-dire la décision claire de prendre les choses en main.

•Les émotions
Lorsqu’une personne reste figée dans l’amour ou dans la haine à propos de ce qu’elle a perdu, le travail de deuil ne peut progresser. Par exemple « l’amour » d’un leader charismatique disparu rend la personne irremplaçable. Inversement lorsque la personne disparue est haïe, c’est la fonction qu ‘elle a occupée jusque là qui risque d’être elle-même polluée par cette haine.

•La culpabilité
Plus elle est importante, plus elle bloque le processus de deuil. Elle peut être soit spontanément ressentie par ceux qui restent, soit induite artificiellement par la personne qui part ou par l’événement qui provoque le deuil. Elle favorise et entretient une position de « victime » qui pousse les individus à se refermer sur eux-mêmes.

•Les projets
La mise en place d’un projet permet de se tourner résolument vers l’avenir, pour autant que ce soit un projet nouveau offrant effectivement des possibilités d’ouverture.
La démarche pour accélérer un travail de deuil et en minimiser les conséquences consiste donc à « tirer » chacun de ces 9 éléments dans le sens d’une facilitation du deuil, avec bien entendu une situation différente dans chaque cas de deuil.

Copyright : INFOQUALITE

Partager cet article